Si les hommes boivent toujours plus d’alcool que les femmes, cet écart se réduit petit à petit. En effet, les femmes consomment plus souvent et en plus grandes quantités qu'autrefois. La consommation d’alcool est vue comme une activité sociale, plutôt sympathique, associée aux bons-vivants, et les femmes ont également envie d’en profiter. Cette vision conduit à une augmentation de la consommation chez les femmes. Cette augmentation peut également être mise en lien avec l'uniformisation des rôles sociaux observée actuellement. Cette tendance, les alcooliers l’ont bien comprise. Ceux-ci développent en effet des nouvelles stratégies de vente qui ciblent spécifiquement ce groupe en créant des publicités qui se réfèrent aux références culturelles que représente le genre féminin (le « gender marketing ») : des boissons fruitées, des emballages recherchés, qui rappellent l’univers du luxe ou de la mode.
Mais y a-t-il des différences entre hommes et femmes en matière de consommation «excessive» ou «problématique» ? D'un côté, on peut dire que non, car il s'agit dans les deux cas d'une habitude qui s'est ancrée et dont on perd le contrôle. D'un autre côté, il est tout de même possible d'observer certaines différences :
En 2014, une revue de 24 études (Wang et al. 2014), menées sur différents continents, compare le risque de décès des consommateurs excessifs d'alcool selon leur genre. Fait interpellant : le risque de mortalité toutes causes confondues est multiplié par 1,5 pour une femme consommant quotidiennement 75g d'alcool (environ 7 verres standard) par rapport à un homme ayant la même consommation. Le facteur multiplicatif atteint même 2,5 en défaveur de la gente féminine pour des consommations plus importantes, de l'ordre de 10 doses standard par jour, soit 100 g d'alcool par jour.
Concrètement, les femmes réagissent plus vite et plus intensément aux effets de l'alcool que les hommes. Une consommation excessive d'alcool conduit plus vite à des dommages corporels chez la femme (par ex. pour le foie). De plus, il semble également que les femmes deviennent plus vite dépendantes.
Bien souvent, le mode de consommation d'alcool de la femme diffère de celui des hommes. Les femmes dissimulent plus facilement et plus souvent leurs consommations d’alcool que les hommes, et ce, pour plusieurs raisons : premièrement, la consommation d’alcool des femmes est moins acceptable socialement, donc plus honteuse. Mais elle est également plus facilement dissimulable, car elle provoque moins de conséquences problématiques en société que chez les hommes chez qui la violence, les accidents de la route ou les absences au travail sont plus fréquents.
Au niveau de l’âge également, d'après de nombreuses études, la consommation d'alcool est la plus forte chez l'homme vers 18-19 ans, alors que pour la femme c'est autour de 27 ans.
Il semblerait également que les femmes associent plus souvent que les hommes consommation d'alcool et (abus de) médicaments.
Lorsqu’apparaissent des symptômes physiques liés à une consommation excessive d’alcool (tels que douleurs physiques, hyperventilation, angoisse et dépression), les femmes se rendent plus rapidement que les hommes chez leur médecin de famille, sans pour autant y mentionner leur problème d'alcool. Ces médecins prescrivent alors assez facilement des psychotropes sans se demander si ces problèmes sont ou non liés à l'alcool.
Enfin, au niveau de la fréquence de consommation, les femmes qui consomment trop d'alcool le font d'ordinaire plus régulièrement que les hommes. Mais on note, par contre, moins d'enivrements extrêmes. Et il faut noter que, malgré une «ration» quotidienne, ces femmes peuvent continuer à exercer des tâches routinières.
Ces situations ne sont évidemment pas généralisables à toutes les femmes consommatrices d'alcool.
Il est aussi important de préciser, que les consommations, qu’elles soient présentées par des femmes ou par des hommes, ne sont jamais là par hasard et remplissent toujours un rôle, en fonction des attentes, des manques, des désirs, que la personne va chercher à combler dans le produit.
Une femme pourra choisir de boire pour « tenir le coup » dans un quotidien difficile, « se rebeller » et donner une image de femme forte qui peut boire comme les hommes, s’évader de sa routine, faciliter les contacts sociaux, oublier des événements ou des pensées pénibles, etc.
Souvent, on boit d’ailleurs pour plusieurs raisons, ou encore, celles-ci varient en fonction du contexte de consommation d’alcool. Par exemple, le fait d'avoir un verre d'alcool en main peut permettre de prendre part à une fête alors qu'à un autre moment, on s'en servira pour noyer sa solitude une fois seule à la maison.
Il n'existe donc pas une «seule vraie raison» qui expliquerait la consommation excessive d'alcool chez une femme en particulier.
Bien que l’alcoolisme soit un problème de santé reconnu par la société, elle n'en porte pas moins un regard désapprobateur sur ce qui était perçu, il n'y a pas si longtemps, comme un "vice". Le poids de ces jugements et condamnations plus au moins explicites peut être difficile à vivre pour la personne qui s'alcoolise. Celle-ci, culpabilisée et honteuse, s'enfermera dans son isolement, évitant soigneusement de demander de l'aide.
Notons que le regard sociétal porté sur l'alcoolisme se décline différemment suivant le sexe. Les femmes se sentent jugées sévèrement parce qu’elles ne seraient ni une bonne mère, ni une bonne compagne, ni une bonne maîtresse de maison. Elles sont soupçonnées de s’écarter des rôles et statuts, encore aujourd'hui, dévolus traditionnellement aux femmes.
Pour toutes ces raisons, les femmes attendent plus longtemps avant de demander de l'aide et se font plus discrètes dans les centres d’aide classiques. Il apparait indispensable de leur proposer une offre de soins diversifiée, prenant en compte toutes leurs spécificités.