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Alcool et honte

Une consommation problématique d’alcool ou de drogue va souvent de pair avec un sentiment de honte. Il peut en résulter une spirale négative qui nourrit vos problèmes. Le lien entre la honte et l’alcool s’observe plus souvent chez les femmes que chez les hommes.

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Honte et culpabilité

Qu’est-ce que la honte ? On peut la décrire comme une combinaison de sentiments et de pensées qui vous tourmentent lorsque vous avez fait quelque chose de mal ou d’impropre. Vous allez condamner votre comportement et vous aurez tendance à vous replier sur vous-même. Pour être « à l’abri du jugement des autres ».

Parfois, on peut confondre la honte avec le sentiment de culpabilité, bien qu’il s’agisse de deux émotions distinctes aux effets distincts. Le sentiment et l’idée de culpabilité naissent certes d’événements qui peuvent aussi causer de la honte. Vous avez fait quelque chose de mal ou vous n’avez pas fait quelque chose de souhaitable. Mais la culpabilité porte plus sur le comportement que vous avez montré ou omis que sur vous en tant que personne.

Pour simplifier :

  • Mon comportement était mauvais ou déplacé --> sentiment et idée de culpabilité
  • Je suis condamnable en tant que personne --> sentiment et idée de honte

Naturellement, la réalité est plus nuancée. On observe plutôt un continuum allant de la « culpabilité saine » à la « honte » en passant par la « culpabilité malsaine ». Voyez à ce sujet le pdf du NICABM, que vous trouverez au bas de cette page.

Les sentiments « sains » ou « utiles » de culpabilité peuvent, contrairement à la honte, servir de moteurs pour remédier à quelque chose et entrer en action. Par exemple, en réparant les dommages causés par un problème de dépendance. Les gens qui, par nature, ont facilement tendance à se culpabiliser pour leur comportement, risquent d’ailleurs un peu moins de rencontrer des problèmes d’alcool ou de drogue.

Le cercle vicieux de la honte

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D’une part, il est fréquent que les gens qui ont un problème d’alcool soient par nature plus facilement sujets à la honte. Cette sensibilité peut avoir été accentuée par l’environnement dans lequel ils ont grandi.

Si vous avez grandi dans une famille où les enfants ne se sentaient pas en sécurité (par exemple parce que vos parents souffraient d’une dépendance), un sentiment de honte peut s’être emparé de vous. Il est possible que ce sentiment vous empêche à présent de vous attacher aux autres. Si en plus, vous avez subi des abus émotionnels ou physiques, vous vous en sentez peut-être responsable (« c’est moi qui l’ai provoqué », « je suis mauvais(e) »). La honte prend alors énormément de place. Elle peut mener à un comportement d’autodestruction, car vous ne « méritez pas mieux » ou « devez être puni(e) ».

Une forte honte occasionne souvent tout un éventail de problèmes psychiques tels que la dépression, l’incapacité à se lier aux autres et la mauvaise estime de soi. Afin de pouvoir gérer sa honte, on maintient les autres à distance. On recherche l’isolement, on peut même parfois se montrer hostile face aux autres. C’est une manière de se protéger. De tels comportements ne font que renforcer la honte.

La boisson ou l’usage de drogues peut alors servir à atténuer (pour un temps) les sentiments négatifs qui découlent de la honte. Vous êtes simplement prêt(e) à accepter les conséquences néfastes de ce comportement.

D’autre part, les problèmes d’alcool provoquent souvent un sentiment de honte dû aux effets de la boisson sur l’environnement direct. Par exemple, vous avez fait des choses que vous n’auriez pas faites si vous aviez été sobre.
En outre, la société a tendance à stigmatiser la dépendance à l’alcool ou aux drogues (en particulier s’il s’agit de femmes), ce qui ne fait qu’augmenter le sentiment de honte. Le cercle est ainsi bouclé.

Comment la honte entrave la guérison

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La honte joue souvent le rôle de déclencheur pour une dépendance. De plus, en tant que personne dépendante, vous allez faire tout votre possible pour dissimuler votre problème. Vous tentez de porter un masque face aux autres. Pendant votre processus de guérison, la honte peut aussi vous jouer des tours.

La honte a une influence négative sur la guérison et la volonté de rester sobre. Cette influence se manifeste de différentes manières :

  • Vous pouvez avoir l’impression de ne pas avoir droit à une bonne vie. Vous n’êtes alors pas prêt(e) ou capable de livrer les efforts nécessaires pour lutter contre votre dépendance ou d’autres problèmes.
  • Les personnes qui ont honte recherchent moins facilement de l’aide. Ils ont énormément de peine à mettre au courant leur médecin de famille, bien que cela soit tout à fait indiqué en cas de dépendance grave.
  • Des études ont prouvé que la honte entrave la guérison d’une dépendance. Par exemple, il existe un lien très étroit entre la honte et la rechute. On retombe plus souvent dans la dépendance lorsque l’on éprouve de la honte, la rechute est également plus forte et cause plus de problèmes de santé. Par contre, le sentiment de culpabilité semble plutôt aider le processus de guérison.
  • La honte provoque ou renforce des aspects importants de la dépendance : le déni, la minimisation et la rationalisation (par exemple, la recherche de raisons ou d’excuses pour céder à l’envie de boire).
  • Un réseau social solide et des contacts sains susceptibles de vous aider sont très importants, en particulier dans la première phase de guérison. La honte peut vous empêcher de rechercher de tels contacts ou d’être honnête, vous recevrez et ressentirez donc moins de soutien.
  • Moins vous avez confiance en vous, moins vous vous croyez capable, par exemple, de refuser de l’alcool lorsqu’on vous en propose.
  • La honte rend également la vie sans alcool plus difficile, notamment parce que les autres ne doivent pas remarquer que vous ne buvez plus ou que vous avez rechuté. Cela augmente la probabilité de rechute.
  • La honte vous empêche de vous réjouir de vos succès dans votre processus de guérison et de partager votre satisfaction avec vos proches.

Honte et guérison

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Votre honte « chronique » et vos efforts pour dissimuler votre problème forment une caractéristique importante de la dépendance, et donc de la minimisation, du déni et de la rationalisation. Malheureusement, ce mécanisme vous empêche de rechercher de l’aide à temps ; souvent, les démarches ont lieu lorsque les dommages sont déjà lourds et le déni a laissé des traces durables. Comme nous l’avons dit plus haut, la honte peut considérablement entraver votre guérison.

Que pouvez-vous y faire ?

  • Lorsque la honte vous empêche de vivre pleinement votre vie, il peut être indiqué de rechercher une aide professionnelle qui vous montre comment appréhender le problème et le voir « de plus loin ». Pour ceux qui sont facilement en proie à la honte, cette démarche est importante et permet de réduire les risques de rechute.
  • En parler avec un ami ou un confident représente une aide précieuse. La honte est particulièrement destructive lorsque vous êtes seul(e) face à elle. Il peut également être bénéfique de vous confier à des personnes qui partagent votre sort, d’abord parce que cela vous donne l’occasion de voir en eux plus que des « (ex-)buveurs », et ensuite parce que vous pouvez ainsi reconnaître que la honte est humaine.
  • Renforcer votre confiance en vous peut faire des miracles dans la lutte contre la honte. L’abstinence est bien plus que « ne plus faire quelque chose », elle consiste également à se forger une nouvelle identité (plus positive) dans différents domaines de votre vie.
  • Une formation axée sur les compétences sociales peut également vous aider à affronter la honte.
  • Un enseignement psychologique sur la différence entre la culpabilité et la honte peut vous permettre d’évoluer de « je me sens mal à cause de ce que je suis » à « je me sens mal à cause de ce que je fais ». Cela vous aidera à prendre des mesures pour modifier votre comportement et à réparer vos fautes.
  • Vous pouvez aussi vous pencher sur ce qu’on appelle des « fautes de pensée » concernant la honte. En réalité, les pensées que l’on a sont souvent plus graves et négatives que la réalité.
  • Le remodelage de vos convictions sur vous-même ne se fait pas en un jour. Il demande un long travail. Une psychothérapie, les thérapies de groupe, la construction d’une relation de confiance avec les autres et la tenue d’un journal peuvent vous apporter des éléments d’aide.
  • La pleine conscience a déjà aidé de nombreuses personnes à gérer des émotions difficiles et à accepter certains aspects de leur vie (honte) au lieu s’y attaquer.
  • L’enseignement psychologique sur votre type de dépendance peut également vous aider à réaliser que le pas vers une addiction n’est pas un choix conscient. Les processus cérébraux automatiques y jouent également un rôle. Vous pouvez apprendre à les gérer.
  • Les sentiments de culpabilité (contrairement à la honte) peuvent être très positifs, en particulier lorsqu’ils vous poussent à réparer des fautes du passé et du présent. Car il arrive souvent que vous fassiez du tort à d’autres personnes lorsque vous n’êtes pas dans votre état normal. Il est plus constructif de s’attaquer à ce problème plutôt que de ruminer dans votre coin ou de vous condamner. Ainsi, non seulement les autres en profiteront, mais aussi vous-même. Ce sentiment vous donnera un une base favorable pour vous reconstruire.

Il est particulièrement important de vous concentrer sur les divers changements positifs souhaités après votre rétablissement, et sur la vie que vous mènerez selon vos propres valeurs. Cela vous apportera plus que de ressasser les souvenirs négatifs de ce que vous avez fait en état d’ivresse. Mieux vaut travailler sur ce que vous voulez plutôt que sur ce que vous ne voulez pas (ou plus).

Lisez ici le pdf qui explique la différence entre « culpabilité qui aide », « culpabilité qui n’aide pas » et « honte » (anglais)
Ce fichier a été créé par le NICABM (National Institute for the Clinical Application of behaviour Medicine).

Sources

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