16 nov 2015

Vais-je ressentir des symptômes de sevrage si j’arrête de boire ?

Catégorie: Accompagnement Auteur: Equipe www.aide-alcool.be 0 commentaire

  • Avant-propos

« Madame Y. consomme 3 bières, chaque soir avant d’aller se coucher, depuis 15 ans. Celles-ci l’aident à se détendre et surtout à trouver le sommeil. »

« Monsieur Z. ne boit que lors des grandes occasions, mais systématiquement 1 à 2 bouteilles d’alcool fort. »

« Mademoiselle B. est étudiante et s’alcoolise très fortement en semaine, lors de soirées étudiantes. Cependant, le week-end, lorsqu’elle est de retour chez ses parents, elle ne boit pas une goutte d’alcool. »

Ces trois personnes décident d’arrêter de manière brutale leur consommation d’alcool. « À partir de ce soir, plus une seule goutte ! ». Laquelle prend un risque pour sa santé en agissant de la sorte ?

  • Etat actuel des connaissances sur le sujet   

Il serait bien tentant de vouloir être en mesure de donner une réponse toute faite à cette question. Pourtant, jusqu’à présent, aucun facteur précis n’a pu être mis en évidence. Par exemple, une revue de la littérature (Thiercelin et collègues, 2012[1] ) s’est penchée sur les facteurs de risque influençant la survenue d’un Délirium Tremens. Sur les vingt-et-unes études reprises dans cette méta-analyse, les facteurs de risques relevés restent encore fort discutés et seules deux études étaient prospectives (les participants y sont suivis au cours du temps).

  • Différents types de symptômes de sevrage  

Il faut savoir que les symptômes de sevrage peuvent être physiquescomportementaux ou psychiques.

  • 1) Sur le plan des symptômes physiques

Ceux-ci apparaissent généralement de manière graduée, que ce soit immédiatement après l’arrêt de la consommation ou de façon différée (et ce, jusqu’à 10 jours après l’arrêt de la consommation). Ils peuvent aussi bien survenir suite à une consommation occasionnelle mais excessive que suite à une consommation importante de longue durée. Il est donc possible de ressentir certains symptômes de sevrage après une seule soirée un peu trop arrosée. Ce sont des symptômes bien connus, qui surviennent même chez des personnes qui ne présentent habituellement pas une dépendance physique à l’alcool : C’est la fameuse gueule de bois !

Il faut noter que les symptômes physiques de sevrage pourront être de type neurovégétatifs (sueurs, tremblements, tachycardie, etc.) et/ou digestifs (anorexie, nausées, vomissements, etc.) (SFA, 2015[2] ). De plus, ils varient fortement d’une personne à l’autre. C’est la raison pour laquelle ils doivent faire l’objet d’une évaluation par un professionnel de la santé, qui pourra prendre en compte l’état de santé global de la personne.

Le temps passant, les symptômes physiques peuvent soit :

  1. se réduire spontanément
  2. s’amplifier (les mêmes symptômes deviennent plus importants)
  3. se compliquer (hallucinations, convulsions). Ces complications sont potentiellement graves et dangereuses. Dans ce cas, prenez contact au plus vite avec votre médecin.

Ces symptômes physiques désagréables et parfois risqués sur le plan de la santé participent au maintien de la dépendance à l’alcool : en effet, il n’est pas rare que la personne re-consomme de l’alcool pour se soustraire à ces sensations physiques pénibles. Toutefois, ceux-ci sont globalement résolus sur un mois d’abstinence.

Il est impossible de prédire, pour les personnes citées en début d’article, laquelle risquerait de ressentir des symptômes de sevrage sévères. D’ailleurs, jusqu’à présent, aucune étude n’a permis de mettre en évidence la consommation minimale requise pour produire une dépendance physique (Haber, 2009[3] ).

Toutefois, le guide de bonnes pratiques établi en 2009 par Haber et ses collègues pour le département de la santé et du vieillissement du gouvernement Australien a relevé que les risques de complications seraient plus importants en fonction : 

  • Des habitudes actuelles de consommation. Les personnes ayant une consommation d’alcool chronique et massive (par exemple, 150g/jour), seraient plus à risque de présenter des symptômes de sevrage sévères. Toutefois, des personnes consommant de plus faibles niveaux d’alcool (par exemple  80g/jour) peuvent également expérimenter des complications de sevrage.
  • L’apparition de symptômes de manque au réveil (tremblements, nausées, anxiété).
  • Des antécédents de syndrômes de sevrage sévères (tels qu’une anxiété sévère, des hallucinations, etc.) 
  • La consommation régulière d’autres substances (benzodiazépines, stimulants, opiacés)
  • La présence de comorbidités psychiatriques (anxiété, psychose, dépression) oumédicales (épilepsie, maladies hépatiques sévères, maux de tête, etc.). 
  • 2) Sur le plan des symptômes comportementaux

Il est possible de regrouper sous cette catégorie les conduites à risque pour se procurer la substance, l’irritabilitéou encore les associations automatiques qui sont faites par la personne (par exemple « aller au café et boire de l’alcool » ou « fumer une cigarette et boire de l’alcool), etc. Ces symptômes, même s’ils sont moins délétères pour la santé de l’individu vont également participer au maintien de la dépendance, à nouveau, au travers d’un cercle vicieux (ils vont favoriser le recours à l’alcool et l’alcool va renforcer ces premiers).

  • 3) Sur le plan des symptômes psychiques

On peut noter des facteurs plus subjectifs tels que les ruminations, l’anxiété, les troubles de l’humeur, les pensées bloquantes, l'envie de boire, etc. Ceux-ci sont bien plus difficiles à désamorcer que les symptômes physiques etentretiennent également la dépendance à l'alcool. En effet, le découragement suscité par le fait de ne pas parvenir à arrêter de boire, le fait de penser régulièrement si ce n’est constamment à boire ou d’employer cette stratégie pour éviter de ressentir certaines émotions ou pensées désagréables, vont jouer un rôle important de maintien de la dépendance.

  • Réactions en chaîne

Les différents types de symptômes de sevrage vont jouer un effet pervers entre eux puisqu’ils vont s’alimenter les uns les autres : dans un premier temps, la personne boit pour éviter de ressentir des symptômes physiques de sevrage et, par la suite, elle continue à boire car elle se décourage de ne pas parvenir à arrêter de boire. D'où l'importance de pouvoir les prendre en charge de manière pluridisciplinaire (soutien médical pour les symptômes physiques et psychologique pour ceux d'ordre psychiques et comportementaux).

  • Que faire si vous ressentez des symptômes de sevrage ?

Si vous ressentez des symptômes de sevrage, vous pouvez recourir à des interventions multiples et graduées en fonction de votre état de santé, de vos besoins, de vos objectifs et de votre choix de soins. Cela nécessite que vous puissiez vous sentir suffisamment informé afin de pouvoir vous y préparer dans de bonnes conditions (choix du moment de sevrage, anticipation d’éventuels symptômes, etc.) De plus, il n’est pas recommandé de tout arrêter en même temps (alcool, tabac, médicaments, etc.) au risque de sur-ajouter des difficultés.

Vous trouverez ci-dessous quelques conseils qui pourront faciliter votre démarche d'abstinence ou de réduction de votre consommation :

  • a) Lorsque vous décidez d’entamer un sevrage physique, renseignez-vous à propos des possibilités d’arrêt de travail. Ne restez pas seul et ne prenez pas le volant.
  • b) Parlez de la prise en charge médicale avec votre médecin. Celui-ci pourra à la fois vous conseiller à propos des traitements existants pour contrer les symptômes de sevrage, mais également ceux pour éviter les symptômes associés.
  • c) Choisissez l’accompagnement qui vous convient le mieux (sevrage ambulatoire ou résidentiel, accompagnement psychologique en face à face ou en ligne). L'accompagnement psychologique vous permettra d'être soutenu dans la durée, bien après la dissipation des effets physiques du sevrage.
  • d) En cas d’urgence : faites appel aux services d’urgences générales ou psychiatriques, aux services de secours (112), ou encore à votre médecin de famille.
  • Autres informations sur le sevrage et les médications existantes :

http://www.aide-alcool.be/traitement-de-soutien
http://www.aide-alcool.be/symptomes-de-sevrage
http://www.aide-alcool.be/consommation-problematique-arreter

  • Vous souhaitez arrêter de boire ou réduire votre consommation ?

- En toute autonomie : www.aide-alcool.be/selfhelp
- Accompagné d’un psychologue de l’équipe aide-alcool : www.aide-alcool.be/accompagnement

 

 


 [1]Thiercelin, N., Lechevallier, Z. R., Rusch, E., & Plat, A. (2012). Facteurs de risque du delirium tremens: revue de la littérature. La Revue de médecine interne33(1), 18-22.

 [2]Société Française d’Alcoologie (2006). Evaluation des pratiques professionnelles en alcoologie. [En ligne] http://www.sfalcoologie.asso.fr/download/Svg_simple.pdf, Page consultée le 16 novembre 2015.

 [3]Haber, P. (2009). Guidelines for the treatment of alcohol problems. Canberra : Department of Health and Ageing. http://www.drugsandalcohol.ie/20201/1/Gudelines_for_treatment_of_alcohol_problems.pdf. Concernant les risques de complication, se référer à la page 51.

 

 

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02 déc 2014

Comment faire quand un proche boit trop ?

Catégorie: Accompagnement Auteur: Equipe aide-alcool.be 20 commentaires

Aide Famille


Que ce soit par l’intermédiaire de notre forum d’échange ou bien en nous contactant directement, vous êtes très nombreux à témoigner de la difficulté d’être confronté à la consommation excessive d’un proche. Les situations sont variées, mais toutes se rejoignent dans les sentiments partagés : l’incompréhension, la douleur, l’inquiétude, les regrets, parfois la colère…mais aussi l’envie d’aider, d’être présent, de soutenir et d’agir… sans savoir par où commencer.

Amis, parents, enfants, comment faire quand un proche boit trop ? 

Voici quelques pistes ou suggestions :

1) En parler…quand les conditions le permettent 

Pour évoquer le problème avec un proche alcoolique, il est important de trouver le moment approprié. En état d’ivresse, une personne n’est plus capable d’entendre ou de recevoir ce que vous voulez lui dire. Cela ne pourrait faire naître que de la frustration en vous et du découragement.

Essayez d'éviter les reproches ou de vouloir le convaincre de changer. Cela ne déboucherait que sur une dispute. Il est plus constructif d'essayer de mettre sur la table ce que vous ressentez et les conséquences de la consommation à votre niveau. En d'autres termes, les inconvénients que vous rencontrez en raison de la consommation de votre proche. Pour cela, formulez vos ressentis en commençant votre phrase par « je » (ce que vous ressentez) plutôt que par « tu », ce qui aboutirait probablement, sans le vouloir, à une forme de reproche.

2) Enoncer clairement les inconvénients que la consommation excessive d’alcool a pour vous

Essayez d'être clair quand vous éprouvez des inconvénients de la consommation excessive d'alcool. Par exemple, des rendez-vous qui n'ont pas été respectés, des disputes, etc... La personne qui boit en viendra probablement tôt ou tard à se représenter pour elle-même les inconvénients de sa consommation, ce qui peut déclencher une volonté de changement.

3) Eviter dans la mesure du possible de masquer les conséquences

Dans la mesure du possible, essayez de ne pas résoudre, ou le moins possible, les problèmes qui sont une conséquence directe de la consommation d'alcool de votre ami ou connaissance. Il est possible que vous l'ayez déjà fait à plusieurs reprises, avec de bonnes intentions. Cependant, le fait d'agir ainsi de manière systématique n'aide pas vraiment la personne à reconsidérer sa consommation. En effet, cette dernière ne se rend alors que très peu compte des conséquences négatives liées à sa consommation d’alcool, puisqu’en voulant bien faire, vous résolvez finalement ses problèmes à sa place.

Ce n'est qu'après avoir pesé le pour et le contre que naîtra la décision de changer de comportement. Si vous éliminez la plupart des inconvénients, cela ne peut pas faire émerger une motivation pour changer des habitudes de consommation. Gardez à l’esprit que vous ne pouvez pas résoudre le problème à la place de la personne concernée. La décision d’arrêter de boire ne peut venir que d’elle-même.

4) Chercher du soutien, ne pas rester seul dans la situation

Bien souvent, les proches des personnes consommatrices vivent l’alcoolisme avec honte et impuissance. Ces sentiments douloureux sont à l’origine d’une sensation d’isolement et d’enfermement. Il devient alors très important d’éviter de rester seul dans cette situation. En parler avec une personne de confiance peut aider à définir quelle pourrait être la meilleure attitude possible, et d’identifier les ressources, les soutiens disponibles autour de vous.

Cette personne de confiance peut être un autre membre de la famille, un ami, quelqu’un de proche de vous. Il peut s’agir, en outre, d’un professionnel compétent pour vous aider :

  • Votre médecin traitant peut vous accompagner et vous orienter vers une aide spécialisée dans votre région.
  • Un psychologue ou un psychiatre (en privé ou dans un centre de guidance) permet d’échanger à ce propos et d’identifier vos propres limites à ne pas dépasser pour votre propre bien-être et de voir dans quelle mesure vous pouvez être aidant, à votre niveau.
  • Des structures spécialisées proposent un accompagnement psychologique spécifique pour les proches de personnes alcooliques. De telles structures peuvent être identifiées au sein du répertoire d’adresses sur IDA Web.
  • Il existe en outre des lieux solidarité, des groupes d’entraide tels  :
    - Groupes Al-Anon (adultes)
    - Groupe Alateen (enfants ou adolescents) + chat en ligne (2è et 4è lundi du mois) de 13 à 18 ans, dans l’anonymat
    - Groupes Vie Libre
    - Gepta (groupes d’entraide pour les parents et les proches de personnes toxicomanes et alcooliques) 

5) En cas d’extrême urgence

En dernier recours, dans une situation où le comportement de la personne alcoolique entraîne une mise en danger d’elle-même ou pour les autres, faites appel aux services de secours. 


Pour en savoir plus

Informations pour les parents et la famille

Informations pour les partenaires

Informations pour les amis

GEPTA  - Quand l'entourage accompagne les professionnels dans le domaine des assuétudes

Article "Le co-alcoolisme : un enfer pavé de bonnes intentions" Revue Equilibre, 2008

 

10 sep 2014

Faire goûter de l’alcool à ses enfants, une expérience sans conséquences ?

Catégorie: Recherches Auteur: Equipe aide-alcool.be 0 commentaire

Alcool et repas de familleGoûter un peu d’alcool en famille est souvent la première façon dont les enfants sont initiés à cette substance. C’est pourquoi John E. Donovan, professeur de psychiatrie et d’épidémiologie à l’Université de Pittsburgh (USA), s’est intéressé aux conséquences de cette expérience précoce : 

« Pour de nombreux enfants, le ‘premier verre’ n’est pas la première expérience de consommation d’alcool», souligne Robert A. Zucker, directeur du Centre de recherche sur la toxicomanie à l’Université du Michigan. "En fait, bien que les données de l’étude indiquent que seulement 7% des enfants de 12 ans ont déjà bu un verre, plus de 50% des enfants de 12 ans et environ 33% des enfants de 8 ans en ont déjà bu une gorgée." 

Mais doit-on vraiment s’inquiéter d’une telle consommation ? 

Car si de nombreuses études ont montré que les comportements précoces d’alcoolisation sont impliqués dans le développement ultérieur de problèmes de dépendance, très peu d'entre elles se sont intéressées à une consommation de quelques gorgées.

Donovan, dans une recherche précédente, avait révélé que goûter de l’alcool à l’âge de 10 ans était significativement lié à l’apparition précoce de la consommation d’alcool, elle-même associée à de nombreuses conséquences négatives à l’adolescence et à l’âge adulte, tels que la dépendance à l’alcool, aux drogues ou aux médicaments, la délinquance, les comportements sexuels à risque, les accidents de voiture, les problèmes d’emploi, etc. Néanmoins l’auteur précise ne pas pouvoir répondre quant à l’incidence de goûter un peu d’alcool pendant l’enfance.

C’est pourquoi son équipe a tenté de répondre à cette question en suivant sur plusieurs années la consommation d’alcool de 452 enfants âgés de 8 à 10 ans. 

Voici les deux conclusions principales de cette étude :

  • Tout d’abord, les enfants qui ont goûté de l’alcool avant l’âge de 12 ans rapportent que leurs parents sont plutôt favorables à cette expérience, et plus susceptibles d’être eux-mêmes des consommateurs. 
  • Ensuite, ceux qui avaient déjà goûté précocement n’ont pas développé plus de problèmes de comportement à l’adolescence que les autres. 

Cette constatation semblerait donc indiquer que boire exceptionnellement quelques gorgées d’alcool ne serait pas un problème, qu’il ne s’agirait pas d’un indicateur précoce du développement de problèmes par la suite.

Cependant, cette étude démontre par ailleurs que goûter de l’alcool précocement est fortement lié au modèle parental.  « Les enfants n’observant pas de désapprobation de la part de leurs parents sur le fait de boire quelques gorgées d’alcool seront plus susceptibles de faire un premier pas vers la consommation d’alcool. Plus que cela, si les parents boivent devant leurs enfants, ceux-ci seront plus enclins à boire ou à goûter l’alcool de manière précoce. » déclare le Pr. Donovan. 

La question de l’incidence de quelques gorgées d’alcool pendant l’enfance en comparaison avec un verre « normal » reste donc entière. Par contre, la culture et les habitudes familiales vis-à-vis de l'alcool auraient clairement leur importance dans les futures habitudes de l'enfant

L’auteur appelle donc à la prudence sur le fait de consommer devant de jeunes enfants et à rester vigilant quant aux messages envoyés au sujet de l’alcool. Il ajoute qu’à l’inverse, aucune étude n’établit que cette première expérience avec l’alcool, à la maison, soit un facteur de protection. D’autres études seront donc nécessaires pour mieux comprendre les implications positives ou négatives de la consommation précoce d’alcool. 


Référence de l’article : John E. Donovan, Brooke S. G. Molina. Antecedent Predictors of Children's Initiation of Sipping/Tasting Alcohol. Alcoholism: Clinical and Experimental Research, 2014; DOI: 10.1111/acer.12517.

Source : Alcoholism: Clinical & Experimental Research. "Young children's sipping/tasting of alcohol reflects parental modeling." ScienceDaily. ScienceDaily, 26 August 2014. <www.sciencedaily.com/releases/2014/08/140826205509.htm>.

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02 jui 2014

L’OMS appelle les gouvernements à redoubler d’efforts pour éviter les décès et les maladies liés à l’alcool

Catégorie: Statistiques Auteur: Equipe aide-alcool.be 0 commentaire

La dernière édition du rapport sur l’alcool et la santé au niveau mondial [Global Status Report on Alcohol and Health 2014, OMS] présente, pour les 194 Etats membres de l’OMS, le profil de la consommation d’alcool, ses répercussions sur la santé publique et les mesures prises dans ce domaine.

Selon ce rapport, en 2012, l’usage nocif d’alcool a été à l’origine de 3,3 millions de décès dans le monde. La consommation d'alcool aurait un impact sur l'incidence des maladies (plus de 200 maladies ont été référencées), sur les accidents et autres problèmes de santé, mais aussi sur l’évolution et le pronostic de ces troubles.

L’étude avance que le pourcentage de décès liés à l’alcool est plus élevé chez les hommes (7,6%) que chez les femmes (4%), même si, d’après certaines données, les femmes pourraient être plus vulnérables face à certains problèmes de santé liés à l’alcool (pour plus de détails à ce sujet, cliquez ici). De plus, les auteurs s’inquiètent de l’augmentation constante de l’usage de l’alcool dans la population féminine.

En outre, le coût social de la consommation d’alcool représenterait 125 billions d’euros dans l’Union Européenne (Anderson et al. 2006). Et il est important de noter que ces chiffres ne prennent pas en compte la douleur, la souffrance et plus généralement la diminution de la qualité de vie que ressentent les consommateurs d’alcool ainsi que leurs proches.

Pour mieux comprendre pourquoi ces chiffres sont si impressionnants, le modèle suivant décrit la diversité et la complexité des facteurs qui interviennent, directement ou indirectement, dans les causes de décès et d’incapacité liées à la consommation d’alcool.

 

En conclusion de ce rapport, parmi les mesures retenues pour réduire l’impact nocif de l’alcool, l’OMS pointe l’action des professionnels de santé et recommande, entre autres, que les personnes et les familles touchées par l'usage nocif de l'alcool aient accès à des services de prévention et de soins abordables et efficaces.

 

 

11 avr 2014

L'alcool et les femmes

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Alcoolisme au fémininLa littérature scientifique nous montre que l’usage des substances psychoactives, et notamment en ce qui concerne l’alcool, n’est pas le même entre les hommes et les femmes. Si les études épidémiologiques montrent clairement une différence en termes de consommation (les hommes consomment en général des quantités plus importantes que les femmes), l’analyse de la littérature met en évidence des spécificités de genre qui s’articulent selon des dimensions biologiques, sociales et psychologiques.

Très récemment, des chercheurs de l’Université de Pékin en Chine ont publié dans « the Journal of Women's Health » une revue de 24 études, menées sur différents continents, pour comparer le risque de décès des consommateurs excessifs d’alcool selon leur genre. Le risque de mortalité toutes causes confondues est multiplié par 1,5 pour une femme consommant quotidiennement 75g d’alcool (environ 7 verres standards) par rapport à un homme ayant la même consommation. Le facteur multiplicatif atteint même 2,5 en défaveur de la gent féminine pour les consommations plus importantes, de l’ordre de 10 doses standard par jour, soit 100g d’alcool quotidiens.

Les femmes seraient donc plus vulnérables face à l’alcool et représenteraient une population plus à risque.

En effet, sur le plan biologique, elles réagissent plus vite et plus intensément aux effets de l'alcool que les hommes. A quantité ingérée d’alcool égale, le taux sanguin d’alcool est plus élevé chez la femme (différence en lien avec le poids, la quantité d’eau dans le corps et  quantité d’alcool-déhydrogénase).

Mais ce ne sont pas les seules différences hommes/femmes.

Sur un plan social, la consommation d’alcool est nettement moins bien acceptée chez la femme que chez l’homme En effet, la femme qui boit est plus rapidement stigmatisée que l’homme qui boit. Ce qui crée un sentiment de honte parfois très intense, accompagné d’une estime de soi souvent plus basse.

Enfin, sur un plan psychologique, pour une grande partie d'entre elles, l'anxiété, la dépression et la solitude sont des facteurs qui concourent à la consommation. En 2003, Zilberman et al. ont établi dans une revue systématique de la littérature que les femmes qui ont un usage problématique d'alcool présentent plus fréquemment au préalable des troubles anxio-dépressifs.

L’alcoolisme est un problème de santé. Un problème qui est commun aux femmes et aux des hommes. Cependant, les regards condamnants peuvent entraîner chez la personne alcoolique de la culpabilité et de la honte qui ont pour conséquence qu’elle ne cherchera pas d’aide. Les femmes alcooliques se sentent jugées sévèrement parce qu’elles ne seraient ni une bonne mère, ni une bonne épouse, ni une bonne maîtresse de maison. Elles sont soupçonnées de s’écarter des rôles et statuts traditionnellement dévolus aux femmes.

Pour toutes ces raisons, les femmes attendent plus longtemps avant de demander de l'aide et se font plus discrètes dans les centres d’aide classiques. Il est donc indispensable de leur proposer une offre de soins diversifiée, prenant en compte toutes leurs spécificités.

  • Votre compagne, amie ou maman boit et vous souhaitez des conseils pour pouvoir l'aider ? Rendez-vous ICI
  • Pour en savoir plus sur cette thématique :

Serge Escots & Guillaume Suderie (2013) Revue de la littérature : Femmes et Addictions, Institut d'anthropologie clinique

Axelle Hoffman (2007). L'alcoolisme est-il soluble dans le féminisme. Santé conjuguée n°42

Alcoolisme : Boire comme une femme, Question santé

Wang C, Xue H, Wang Q, Hao Y, Li D, Gu D, Huang J. Effect of Drinking on All-Cause Mortality in Women Compared with Men: A Meta-Analysis. J Womens Health (Larchmt). 2014 Mar 10.

Zilberman ML, Tavares H, Blume SB, el-Guebaly N. Substance use disorders: sex differences and psychiatric comorbidities. Can J Psychiatry. 2003 Feb;48(1):5-13.

image © kmiragaya - Fotolia.com

 

04 mar 2014

Les belges et l'alcool au volant

Catégorie: Revue de presse Auteur: Equipe aide-alcool.be 1 commentaire

Le 27 février dernier, la fondation d’entreprise VINCI Autoroutes publiait la quatrième édition de son « Baromètre de la conduite responsable », sur la base d’une enquête menée par l’institut IPSOS auprès de conducteurs européens, dont 1 millier de belges.

Alcool au volantUne large majorité des conducteurs belges interrogés (68%) se disent convaincus que des progrès très importants pourraient encore être réalisés au sujet de la mortalité sur route, d’autant que la Belgique enregistrait en 2012 l’un des taux les plus élevés d’Europe avec 73 morts par million d’habitant (1)

64% des belges interrogés considèrent la conduite sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants comme la principale cause d’accidents mortels sur les routes. Une explication réside peut-être dans le fait que, parmi les européens, les belges sont les plus tolérants en matière de consommation d’alcool au volant.

En effet, le Baromètre indique que 25% des belges interrogés admettent prendre le volant en étant au-dessus de la limite autorisée, dès lors qu’ils ne ressentent pas les effets de l’alcool. Et plus inquiétant encore, 8% le feront malgré les effets de l'alcool sur leur organisme.

Rappelons qu’en Belgique la norme légale a été fixée à 0,5 pour mille. A ce taux, le risque d'accident mortel est 2,5 fois plus élevé que conduire sans alcool !

  • Pour vous aider à estimer votre alcoolémie après avoir consommé de l'alcool, vous pouvez utiliser le calculateur d'alcoolémie disponible sur notre site.
  • En outre, des applications smartphones, gratuites, sont également disponibles sur Google Play ou l’Apple Store. Elles vous permettent d’estimer votre alcoolémie sur la base de ce que vous avez bu pendant une soirée. 
  • Attention ! il est vrai que que ces différents outils peuvent être utiles pour se faire une idée de sa consommation (qui peut s’avérer plus importante que ce que vous aviez imaginé) ou encore être une aide à la prise de décision de conduire ou non, et ainsi éviter des problèmes et des risques d’accident. Néanmoins, il est important de garder en tête qu'ils ne pourront en aucun cas remplacer un vrai éthylotest. 

Le Baromètre de la conduite responsable 2014 peut être consulté en intégralité ici

(1) Communiqué de presse - Commission Européenne - 19/03/2013

image © Marco Desscouleurs - Fotolia.com

 

15 oct 2013

GEPTA : Groupe d’Entraide pour Proches et parents de personnes Toxicomanes et Alcooliques

Catégories: Accompagnement, Famille Auteur: Equipe aide-alcool.be 2 commentaires

Gepta

Gepta est une association de groupes d’entraide destinés aux familles de personnes dépendantes, qui s’est donnée pour objectif de renforcer l'aide apportée aux proches en rompant l'isolement de ces personnes, ainsi qu' en leur donnant accès à des espaces d'échanges pour y trouver des réponses tant à leur souffrance qu'aux questions auxquelles elles sont confrontées.   

GEPTA se donne pour mission de :

  • Rendre plus visibles et accessibles les groupes de paroles
  • Garantir la qualité du travail des groupes en renforçant les échanges techniques et méthodologiques entre les intervenants
  • Faire reconnaître l'importance de la famille dans le domaine des consommations pouvant poser problème

GEPTA propose des espaces de paroles et d’information en Wallonie et Bruxelles. Ces espaces sont ouverts à toute personne qui se sent concernée par la consommation de drogues, d’alcool, ou de tout autre produit … d’un autre membre de la famille.  

Coordination : Nathalie FANTIN 5 à 6200 CHATELET - C/O ASBL TREMPOLINE : Grand’Rue 3 Tél. : 071/40.27.27 ou 24 30 07

Documents d'information téléchargeables :

Affiche Gepta

Dépliant Gepta

 

Carte Gepta

 

27 aoû 2013

Alcool, Plaisir et Dépendance ? Une explication de la vulnérabilité à l’alcoolisme

Catégorie: Recherches Auteur: Equipe aide-alcool.be 0 commentaire

 

Récemment, une étude publiée dans la revue scientifique Alcoholism: Clinical & Experimental Research (1) a cherché à expliquer pourquoi certaines personnes sont plus à risques que d’autres de développer une dépendance à  l’alcool.

Selon le professeur Marco Leyton et son équipe de l'Université McGill, de Montréal, un début de réponse pourrait se trouver dans le fait que le cerveau peut, chez certains, produire une quantité exagérée de dopamine lors de la consommation d’alcool.

Pour cela, ils ont identifié des personnes «à risque» parmi 26 buveurs (18 hommes et 8 femmes) âgés de 18 à 30 ans et ont observé le fonctionnement de leur cerveau lorsqu’ils consomment un jus de fruit ou bien de l’alcool.

«Nous avons constaté que les personnes vulnérables à l'alcoolisme ont présenté une réponse anormalement élevée et inhabituelle de dopamine dans le cerveau quand ils ont pris un verre», a déclaré le Pr Leyton. "Cette réponse pourrait stimuler la recherche de comportements de récompense et contrecarrer les effets sédatifs de l'alcool. À l’inverse, les personnes pour lesquelles une réponse dopaminergique était moins marquée pourraient expérimenter des effets sédatifs de l'alcool particulièrement prononcés».

Selon les chercheurs la dopamine aurait donc un lien avec le risque d’alcoolisme. Mais comment cela fonctionne-t-il ? 

Le circuit de la récompense : rechercher l’agréable et éviter le désagréable

Dopamine

Le « circuit de la récompense » est constitué d’un ensemble de structures cérébrales dont la principale mission est la survie de l’organisme. Les fonctions vitales (manger, boire, se reproduire) sont associées à une sensation agréable, de plaisir, qui inciterait à la répétition de ces mêmes comportements. C’est la dopamine, un messager chimique (neurotransmetteur) du cerveau, qui est à l'origine de ce bien-être.

Toutes les drogues, y compris l’alcool, activent de façon importante ce «circuit de la récompense» en y provoquant la libération de la dopamine. C’est par cet intermédiaire que l’alcool et les autres drogues induisent un sentiment de plaisir.

C’est probablement pourquoi boire un verre augmente le désir d’en vouloir un deuxième, car la dopamine induite par l’alcool rendrait le second verre d’autant plus souhaitable.

La difficulté est de gérer ce plaisir pour qu'il nous fasse effectivement plus de bien que de mal. La répétition de la prise de substances actives peut dérégler le «circuit de la récompense», avec pour conséquence que seuls ces produits peuvent encore provoquer du plaisir, au détriment de nos besoins vitaux.

Ainsi, physiologiquement, la dépendance est intimement liée à la quête du plaisir parce que nous sommes tous prédisposés à répéter les expériences agréables.

Selon le Pr Layton, «Les gens en prise avec l'alcoolisme veulent souvent savoir deux choses: comment ont-ils développé ce problème? Et que peut-on faire pour aider? ». Il conclut que cette étude nous permet de répondre à la première question en approfondissant notre compréhension des causes de la dépendance. 

Pour en savoir plus : Le cerveau à tous les niveaux

(1) Elaine Setiawan, Robert O. Pihl, Alain Dagher, Hera Schlagintweit, Kevin F. Casey, Chawki Benkelfat, Marco Leyton. Differential Striatal Dopamine Responses Following Oral Alcohol in Individuals at Varying Risk for Dependence. Alcoholism: Clinical and Experimental Research, 2013; DOI: 10.1111/acer.12218

 

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