• Avant-propos

« Madame Y. consomme 3 bières, chaque soir avant d’aller se coucher, depuis 15 ans. Celles-ci l’aident à se détendre et surtout à trouver le sommeil. »

« Monsieur Z. ne boit que lors des grandes occasions, mais systématiquement 1 à 2 bouteilles d’alcool fort. »

« Mademoiselle B. est étudiante et s’alcoolise très fortement en semaine, lors de soirées étudiantes. Cependant, le week-end, lorsqu’elle est de retour chez ses parents, elle ne boit pas une goutte d’alcool. »

Ces trois personnes décident d’arrêter de manière brutale leur consommation d’alcool. « À partir de ce soir, plus une seule goutte ! ». Laquelle prend un risque pour sa santé en agissant de la sorte ?

  • Etat actuel des connaissances sur le sujet   

Il serait bien tentant de vouloir être en mesure de donner une réponse toute faite à cette question. Pourtant, jusqu’à présent, aucun facteur précis n’a pu être mis en évidence. Par exemple, une revue de la littérature (Thiercelin et collègues, 2012[1] ) s’est penchée sur les facteurs de risque influençant la survenue d’un Délirium Tremens. Sur les vingt-et-unes études reprises dans cette méta-analyse, les facteurs de risques relevés restent encore fort discutés et seules deux études étaient prospectives (les participants y sont suivis au cours du temps).

  • Différents types de symptômes de sevrage  

Il faut savoir que les symptômes de sevrage peuvent être physiquescomportementaux ou psychiques.

  • 1) Sur le plan des symptômes physiques

Ceux-ci apparaissent généralement de manière graduée, que ce soit immédiatement après l’arrêt de la consommation ou de façon différée (et ce, jusqu’à 10 jours après l’arrêt de la consommation). Ils peuvent aussi bien survenir suite à une consommation occasionnelle mais excessive que suite à une consommation importante de longue durée. Il est donc possible de ressentir certains symptômes de sevrage après une seule soirée un peu trop arrosée. Ce sont des symptômes bien connus, qui surviennent même chez des personnes qui ne présentent habituellement pas une dépendance physique à l’alcool : C’est la fameuse gueule de bois !

Il faut noter que les symptômes physiques de sevrage pourront être de type neurovégétatifs (sueurs, tremblements, tachycardie, etc.) et/ou digestifs (anorexie, nausées, vomissements, etc.) (SFA, 2015[2] ). De plus, ils varient fortement d’une personne à l’autre. C’est la raison pour laquelle ils doivent faire l’objet d’une évaluation par un professionnel de la santé, qui pourra prendre en compte l’état de santé global de la personne.

Le temps passant, les symptômes physiques peuvent soit :

  1. se réduire spontanément
  2. s’amplifier (les mêmes symptômes deviennent plus importants)
  3. se compliquer (hallucinations, convulsions). Ces complications sont potentiellement graves et dangereuses. Dans ce cas, prenez contact au plus vite avec votre médecin.

Ces symptômes physiques désagréables et parfois risqués sur le plan de la santé participent au maintien de la dépendance à l’alcool : en effet, il n’est pas rare que la personne re-consomme de l’alcool pour se soustraire à ces sensations physiques pénibles. Toutefois, ceux-ci sont globalement résolus sur un mois d’abstinence.

Il est impossible de prédire, pour les personnes citées en début d’article, laquelle risquerait de ressentir des symptômes de sevrage sévères. D’ailleurs, jusqu’à présent, aucune étude n’a permis de mettre en évidence la consommation minimale requise pour produire une dépendance physique (Haber, 2009[3] ).

Toutefois, le guide de bonnes pratiques établi en 2009 par Haber et ses collègues pour le département de la santé et du vieillissement du gouvernement Australien a relevé que les risques de complications seraient plus importants en fonction : 

  • Des habitudes actuelles de consommation. Les personnes ayant une consommation d’alcool chronique et massive (par exemple, 150g/jour), seraient plus à risque de présenter des symptômes de sevrage sévères. Toutefois, des personnes consommant de plus faibles niveaux d’alcool (par exemple  80g/jour) peuvent également expérimenter des complications de sevrage.
  • L’apparition de symptômes de manque au réveil (tremblements, nausées, anxiété).
  • Des antécédents de syndrômes de sevrage sévères (tels qu’une anxiété sévère, des hallucinations, etc.) 
  • La consommation régulière d’autres substances (benzodiazépines, stimulants, opiacés)
  • La présence de comorbidités psychiatriques (anxiété, psychose, dépression) oumédicales (épilepsie, maladies hépatiques sévères, maux de tête, etc.). 
  • 2) Sur le plan des symptômes comportementaux

Il est possible de regrouper sous cette catégorie les conduites à risque pour se procurer la substance, l’irritabilitéou encore les associations automatiques qui sont faites par la personne (par exemple « aller au café et boire de l’alcool » ou « fumer une cigarette et boire de l’alcool), etc. Ces symptômes, même s’ils sont moins délétères pour la santé de l’individu vont également participer au maintien de la dépendance, à nouveau, au travers d’un cercle vicieux (ils vont favoriser le recours à l’alcool et l’alcool va renforcer ces premiers).

  • 3) Sur le plan des symptômes psychiques

On peut noter des facteurs plus subjectifs tels que les ruminations, l’anxiété, les troubles de l’humeur, les pensées bloquantes, l'envie de boire, etc. Ceux-ci sont bien plus difficiles à désamorcer que les symptômes physiques etentretiennent également la dépendance à l'alcool. En effet, le découragement suscité par le fait de ne pas parvenir à arrêter de boire, le fait de penser régulièrement si ce n’est constamment à boire ou d’employer cette stratégie pour éviter de ressentir certaines émotions ou pensées désagréables, vont jouer un rôle important de maintien de la dépendance.

  • Réactions en chaîne

Les différents types de symptômes de sevrage vont jouer un effet pervers entre eux puisqu’ils vont s’alimenter les uns les autres : dans un premier temps, la personne boit pour éviter de ressentir des symptômes physiques de sevrage et, par la suite, elle continue à boire car elle se décourage de ne pas parvenir à arrêter de boire. D'où l'importance de pouvoir les prendre en charge de manière pluridisciplinaire (soutien médical pour les symptômes physiques et psychologique pour ceux d'ordre psychiques et comportementaux).

  • Que faire si vous ressentez des symptômes de sevrage ?

Si vous ressentez des symptômes de sevrage, vous pouvez recourir à des interventions multiples et graduées en fonction de votre état de santé, de vos besoins, de vos objectifs et de votre choix de soins. Cela nécessite que vous puissiez vous sentir suffisamment informé afin de pouvoir vous y préparer dans de bonnes conditions (choix du moment de sevrage, anticipation d’éventuels symptômes, etc.) De plus, il n’est pas recommandé de tout arrêter en même temps (alcool, tabac, médicaments, etc.) au risque de sur-ajouter des difficultés.

Vous trouverez ci-dessous quelques conseils qui pourront faciliter votre démarche d'abstinence ou de réduction de votre consommation :

  • a) Lorsque vous décidez d’entamer un sevrage physique, renseignez-vous à propos des possibilités d’arrêt de travail. Ne restez pas seul et ne prenez pas le volant.
  • b) Parlez de la prise en charge médicale avec votre médecin. Celui-ci pourra à la fois vous conseiller à propos des traitements existants pour contrer les symptômes de sevrage, mais également ceux pour éviter les symptômes associés.
  • c) Choisissez l’accompagnement qui vous convient le mieux (sevrage ambulatoire ou résidentiel, accompagnement psychologique en face à face ou en ligne). L'accompagnement psychologique vous permettra d'être soutenu dans la durée, bien après la dissipation des effets physiques du sevrage.
  • d) En cas d’urgence : faites appel aux services d’urgences générales ou psychiatriques, aux services de secours (112), ou encore à votre médecin de famille.
  • Autres informations sur le sevrage et les médications existantes :

http://www.aide-alcool.be/traitement-de-soutien
http://www.aide-alcool.be/symptomes-de-sevrage
http://www.aide-alcool.be/consommation-problematique-arreter

  • Vous souhaitez arrêter de boire ou réduire votre consommation ?

- En toute autonomie : www.aide-alcool.be/selfhelp
- Accompagné d’un psychologue de l’équipe aide-alcool : www.aide-alcool.be/accompagnement

 

 


 [1]Thiercelin, N., Lechevallier, Z. R., Rusch, E., & Plat, A. (2012). Facteurs de risque du delirium tremens: revue de la littérature. La Revue de médecine interne33(1), 18-22.

 [2]Société Française d’Alcoologie (2006). Evaluation des pratiques professionnelles en alcoologie. [En ligne] http://www.sfalcoologie.asso.fr/download/Svg_simple.pdf, Page consultée le 16 novembre 2015.

 [3]Haber, P. (2009). Guidelines for the treatment of alcohol problems. Canberra : Department of Health and Ageing. http://www.drugsandalcohol.ie/20201/1/Gudelines_for_treatment_of_alcohol_problems.pdf. Concernant les risques de complication, se référer à la page 51.