Alcool et repas de familleGoûter un peu d’alcool en famille est souvent la première façon dont les enfants sont initiés à cette substance. C’est pourquoi John E. Donovan, professeur de psychiatrie et d’épidémiologie à l’Université de Pittsburgh (USA), s’est intéressé aux conséquences de cette expérience précoce : 

« Pour de nombreux enfants, le ‘premier verre’ n’est pas la première expérience de consommation d’alcool», souligne Robert A. Zucker, directeur du Centre de recherche sur la toxicomanie à l’Université du Michigan. "En fait, bien que les données de l’étude indiquent que seulement 7% des enfants de 12 ans ont déjà bu un verre, plus de 50% des enfants de 12 ans et environ 33% des enfants de 8 ans en ont déjà bu une gorgée." 

Mais doit-on vraiment s’inquiéter d’une telle consommation ? 

Car si de nombreuses études ont montré que les comportements précoces d’alcoolisation sont impliqués dans le développement ultérieur de problèmes de dépendance, très peu d'entre elles se sont intéressées à une consommation de quelques gorgées.

Donovan, dans une recherche précédente, avait révélé que goûter de l’alcool à l’âge de 10 ans était significativement lié à l’apparition précoce de la consommation d’alcool, elle-même associée à de nombreuses conséquences négatives à l’adolescence et à l’âge adulte, tels que la dépendance à l’alcool, aux drogues ou aux médicaments, la délinquance, les comportements sexuels à risque, les accidents de voiture, les problèmes d’emploi, etc. Néanmoins l’auteur précise ne pas pouvoir répondre quant à l’incidence de goûter un peu d’alcool pendant l’enfance.

C’est pourquoi son équipe a tenté de répondre à cette question en suivant sur plusieurs années la consommation d’alcool de 452 enfants âgés de 8 à 10 ans. 

Voici les deux conclusions principales de cette étude :

  • Tout d’abord, les enfants qui ont goûté de l’alcool avant l’âge de 12 ans rapportent que leurs parents sont plutôt favorables à cette expérience, et plus susceptibles d’être eux-mêmes des consommateurs. 
  • Ensuite, ceux qui avaient déjà goûté précocement n’ont pas développé plus de problèmes de comportement à l’adolescence que les autres. 

Cette constatation semblerait donc indiquer que boire exceptionnellement quelques gorgées d’alcool ne serait pas un problème, qu’il ne s’agirait pas d’un indicateur précoce du développement de problèmes par la suite.

Cependant, cette étude démontre par ailleurs que goûter de l’alcool précocement est fortement lié au modèle parental.  « Les enfants n’observant pas de désapprobation de la part de leurs parents sur le fait de boire quelques gorgées d’alcool seront plus susceptibles de faire un premier pas vers la consommation d’alcool. Plus que cela, si les parents boivent devant leurs enfants, ceux-ci seront plus enclins à boire ou à goûter l’alcool de manière précoce. » déclare le Pr. Donovan. 

La question de l’incidence de quelques gorgées d’alcool pendant l’enfance en comparaison avec un verre « normal » reste donc entière. Par contre, la culture et les habitudes familiales vis-à-vis de l'alcool auraient clairement leur importance dans les futures habitudes de l'enfant

L’auteur appelle donc à la prudence sur le fait de consommer devant de jeunes enfants et à rester vigilant quant aux messages envoyés au sujet de l’alcool. Il ajoute qu’à l’inverse, aucune étude n’établit que cette première expérience avec l’alcool, à la maison, soit un facteur de protection. D’autres études seront donc nécessaires pour mieux comprendre les implications positives ou négatives de la consommation précoce d’alcool. 


Référence de l’article : John E. Donovan, Brooke S. G. Molina. Antecedent Predictors of Children's Initiation of Sipping/Tasting Alcohol. Alcoholism: Clinical and Experimental Research, 2014; DOI: 10.1111/acer.12517.

Source : Alcoholism: Clinical & Experimental Research. "Young children's sipping/tasting of alcohol reflects parental modeling." ScienceDaily. ScienceDaily, 26 August 2014. <www.sciencedaily.com/releases/2014/08/140826205509.htm>.

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