La littérature scientifique nous montre que l’usage des substances psychoactives, et notamment en ce qui concerne l’alcool, n’est pas le même entre les hommes et les femmes. Si les études épidémiologiques montrent clairement une différence en termes de consommation (les hommes consomment en général des quantités plus importantes que les femmes), l’analyse de la littérature met en évidence des spécificités de genre qui s’articulent selon des dimensions biologiques, sociales et psychologiques.
Très récemment, des chercheurs de l’Université de Pékin en Chine ont publié dans « the Journal of Women's Health » une revue de 24 études, menées sur différents continents, pour comparer le risque de décès des consommateurs excessifs d’alcool selon leur genre. Le risque de mortalité toutes causes confondues est multiplié par 1,5 pour une femme consommant quotidiennement 75g d’alcool (environ 7 verres standards) par rapport à un homme ayant la même consommation. Le facteur multiplicatif atteint même 2,5 en défaveur de la gent féminine pour les consommations plus importantes, de l’ordre de 10 doses standard par jour, soit 100g d’alcool quotidiens.
Les femmes seraient donc plus vulnérables face à l’alcool et représenteraient une population plus à risque.
En effet, sur le plan biologique, elles réagissent plus vite et plus intensément aux effets de l'alcool que les hommes. A quantité ingérée d’alcool égale, le taux sanguin d’alcool est plus élevé chez la femme (différence en lien avec le poids, la quantité d’eau dans le corps et quantité d’alcool-déhydrogénase).
Mais ce ne sont pas les seules différences hommes/femmes.
Sur un plan social, la consommation d’alcool est nettement moins bien acceptée chez la femme que chez l’homme En effet, la femme qui boit est plus rapidement stigmatisée que l’homme qui boit. Ce qui crée un sentiment de honte parfois très intense, accompagné d’une estime de soi souvent plus basse.
Enfin, sur un plan psychologique, pour une grande partie d'entre elles, l'anxiété, la dépression et la solitude sont des facteurs qui concourent à la consommation. En 2003, Zilberman et al. ont établi dans une revue systématique de la littérature que les femmes qui ont un usage problématique d'alcool présentent plus fréquemment au préalable des troubles anxio-dépressifs.
L’alcoolisme est un problème de santé. Un problème qui est commun aux femmes et aux des hommes. Cependant, les regards condamnants peuvent entraîner chez la personne alcoolique de la culpabilité et de la honte qui ont pour conséquence qu’elle ne cherchera pas d’aide. Les femmes alcooliques se sentent jugées sévèrement parce qu’elles ne seraient ni une bonne mère, ni une bonne épouse, ni une bonne maîtresse de maison. Elles sont soupçonnées de s’écarter des rôles et statuts traditionnellement dévolus aux femmes.
Pour toutes ces raisons, les femmes attendent plus longtemps avant de demander de l'aide et se font plus discrètes dans les centres d’aide classiques. Il est donc indispensable de leur proposer une offre de soins diversifiée, prenant en compte toutes leurs spécificités.
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- Pour en savoir plus sur cette thématique :
Serge Escots & Guillaume Suderie (2013) Revue de la littérature : Femmes et Addictions, Institut d'anthropologie clinique
Axelle Hoffman (2007). L'alcoolisme est-il soluble dans le féminisme. Santé conjuguée n°42
Alcoolisme : Boire comme une femme, Question santé
Wang C, Xue H, Wang Q, Hao Y, Li D, Gu D, Huang J. Effect of Drinking on All-Cause Mortality in Women Compared with Men: A Meta-Analysis. J Womens Health (Larchmt). 2014 Mar 10.
Zilberman ML, Tavares H, Blume SB, el-Guebaly N. Substance use disorders: sex differences and psychiatric comorbidities. Can J Psychiatry. 2003 Feb;48(1):5-13.
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