La pleine conscience, qu’est-ce que c’est ?
La méditation de pleine conscience désigne la « manière de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans porter de jugement » [1]. C’est ainsi que Jon Kabat-Zinn, docteur en biologie moléculaire de l’université du Massachusetts, définit la "Mindfulness", ou, en français, "Pleine conscience".
Cette pratique est inspirée des techniques de méditation bouddhistes, dont il a soustrait le décorum oriental et les références spirituelles. Le résultat est une méthode de méditation simple, sans références culturelles, ni acrobaties physiques (par ex : position du lotus), qui s’acquiert par la pratique et procure des effets réels sur le bien-être, la performance ou l'amélioration de la santé [2].
Les grands principes de la pleine conscience :
- Observer ce qui vient, tel qu’il vient, à l’instant présent
- Aborder avec bienveillance et curiosité les pensées et émotions inconfortables, qui ne sont plus subies, mais considérées comme des expériences de vie
- Accepter plutôt qu’éviter
- Sortir d’un fonctionnement en « pilote automatique » pour vivre chaque instant pleinement
- L’expérientiel prime : la pratique régulière de la pleine conscience est au cœur de la démarche.
Concrètement, comment cela se passe-t-il ?
Idéalement, la pleine conscience requiert une pratique quasi-quotidienne, en y consacrant un peu de temps chaque jour pour en retirer un bénéfice maximum. Cela peut se faire de manière formelle (focalisation sur un élément particulier, par exemple la respiration) ou de manière informelle (dans des moments de vie quotidienne, tels que prendre une douche ou se brosser les dents).
Exemple d’exercice de pleine conscience basé sur la respiration :
http://sites.uclouvain.be/mindfulness/mp3/BW4.mp3
En outre, des programmes spécifiques existent, généralement organisés en groupe, sous la forme de séances guidées de 2h pendant 8 semaines.
Les programmes dispensés en Belgique : cliquez ici
L'utilisation de la Pleine Conscience dans le traitement des addictions
L’apparition de la pleine conscience dans les soins de santé date de plusieurs décennies. En effet, ces 30 dernières années la psychologie scientifique et la médecine ont montré un intérêt croissant pour cette pratique. Dans cette lignée, début des années 2000, le psychologue Alan Marlatt a élaboré un programme spécifique de prévention de la rechute addictive basé sur l’utilisation de la pleine-conscience. Ce programme, qui a démontré son efficacité [3], a pour objectif d’aider les personnes qui présentent des comportements addictifs à « observer les choses telles qu’elles sont réellement », au lieu de se focaliser sur le futur et la prochaine consommation.
Aborder autrement les envies de boire
Quand une personne cherche à modifier sa consommation d’alcool, c’est parfois difficile d'accepter les envies très fortes (dit « craving ») qui apparaissent tout au long des diverses tentatives d’arrêt ou de réduction. Bien souvent, en réaction, la tendance de la majorité des personnes est de vouloir éliminer au plus vite ces envies et les pensées qui y sont associées. Pourtant, paradoxalement, cette « lutte » va donner de plus en plus de poids à ces pensées et envies par un phénomène dit de « rebond », autrement dit l’inverse de l’effet recherché.
Prenons un exemple : si l’on vous demande de ne pas penser à un éléphant rose pendant 2 minutes, cette pensée et l’image s’imposeront à vous et il deviendra impossible de vous en débarrasser. C’est exactement le même phénomène pour les pensées concernant l’alcool. Les envies d’alcool émergent et vous essayez de vous en débarrasser, de vous concentrer sur votre objectif de ne pas consommer. Minute après minute, malgré toute votre volonté, ces pensées concernant l’alcool occupent de plus en plus votre esprit et il devient de plus en plus difficile de les éviter. Plus vous luttez et plus la tension augmente, au point qu’il devient difficile de s'empêcher de consommer en dépit des conséquences négatives.
L'approche des addictions basée sur la pleine conscience (MBRP pour Mindfulness-Based Relapse Prevention ou prévention de la rechute basée sur la pleine conscience) a pour but d'apprendre aux personnes concernées à ne plus lutter, mais au contraire d’accepter, comme elles se présentent, ces envies, les pensées et les émotions qui les accompagnent. Il s’agit de les aborder comme des expériences de vie sans chercher à les modifier ou y porter de jugement.
Ainsi, les envies qui ne sont plus subies mais acceptées avec bienveillance, finiront par s'estomper pour disparaitre. C'est une manière de sortir des réactions automatiques.
"Tout ce à quoi on résiste persiste et tout ce qu'on embrasse s'efface" (Carl Gustav Jung)
Voici une vidéo qui illustre le phénomène de rebond et la possibilité d’en sortir par le biais de la pleine conscience :
Quelle efficacité?
Aujourd’hui, il existe d’un nombre relativement important d’études scientifiquement valides (comparaisons avec des groupes témoins, répartition aléatoire des sujets, évaluation avant et après les séances, etc.) attestant de l’intérêt de la méditation pleine conscience dans différents troubles médicaux ou psychiatriques (stress, cardiologie, douleurs chroniques, dermatologie, troubles respiratoires, rechute dépressive, etc.).
Dans le cadre de la prévention de la rechute alcoolique, Bowen et ses collègues [4] ont récemment mené une étude dans une clinique des addictions, incluant 168 sujets consommateurs d’alcool. Le groupe traité par le programme MBPR (Mindfulness Based Relapse Prevention, traduit programme de prévention de la rechute basée sur la pleine conscience) présentait une réduction significative des consommations durant les 2 mois de suivi post-traitement ainsi qu’une diminution de l’envie de consommer. Plus de 50% du groupe MBRP avait poursuivi la pratique de la pleine conscience 4 mois après la fin du programme. Dans une autre étude [5], ils ont également montré la supériorité de ce type de traitement après un délai de 12 mois en comparaison des traitements habituels de prévention des rechutes.
Néanmoins, cela n’en fait pas la solution unique au problème de sur-consommation alcoolique. Tout comme d’autres stratégies d’aide, il s’agit là d’un outil supplémentaire et complémentaire dont l’utilisation ne sera pas adaptée à toutes les situations (elle est contre-indiquée par exemple dans le cas d’une dépendance alcoolique sévère, d’une dépression sévère, de troubles psychotiques, dissociatifs, etc.). Parlez-en toujours avec votre médecin ou les intervenants qui sont autour de vous.
D'autres informations sur le net
http://www.cps-emotions.be/mindfulness/
http://www.mindfulness-belgium.net/
http://www.association-mindfulness.org/
Pour aborder en douceur la pratique de la pleine conscience, le site « Petit Bambou » propose un programme de découverte simple et gratuit. Celui-ci permet de faire une première expérience de la méditation afin de se familiariser avec certaines techniques. Il est composé de 8 séances de 10 minutes chacune. https://www.petitbambou.com/
Références
- [1] Kabat-Zinn, J. (1994). Wherever You Go, There You Are: Mindfulness Meditation in Everyday Life :Hyperion.
- [2] RTBF, R. (2014). La Belgique s'ouvre à la Pleine conscience ("Mindfulness"). [online] RTBF Info. Available at: https://www.rtbf.be/info/societe/detail_la-belgique-s-ouvre-a-la-pleine-conscience-mindfulness?id=8365189 [Accessed 8 Jul. 2016].
- [3] Bowen, S., Chawla, N., Marlatt, G., Azarmsa, S., Bourrit, F., Dunker Scheuner, D. and Suchet, M. (2013). Addictions. Bruxelles: De Boeck.
- [4] Bowen S., Chawla N., Collins S.E., et al.(2009). Mindfulnessbased relapse prevention for substance use disorders: A pilot efficacy trial. Subst Abus ;30:295-305.
- [5] Bowen S., Witkiewitz K., Clifasefi S.L., et al. (2014). Relative efficacy of mindfulness-based relapse prevention, standard relapse prevention, and treatment as usual for substance use disorders: A randomized clinical trial. JAMA Psychiatry;71: 547-56.